Le Quartier Napoléon

A l'emplacement du quartier actuel, s 'élevait à la fin du XIXème siècle une caserne destinée à un bataillon d'aérostiers. En 1928, les bâtiments furent attribués à la police. Après 1933, l'élément de la police fut transformé en unité militaire, puis intégré au sein de la Luftwaffe. A cet effet, la caserne fut remaniée et prit le nom de « Caserne Hermann Goering ». Achevés en 1936, les travaux coûtèrent près de 80 millions de Reichmarks. 

Les casernements occupaient une surface de 80 hectares. Les bâtiments de 21 types différents présentaient l'aspect de maisons d'habitations. Une route ovoïde, de la largeur d'une chaussée d'autoroute, desservait les principales sections, avec des embranchements sur chacun des bâtiments. Au centre du quartier, un complexe sportif fut aménagé.

En 1943, la moitié du quartier est aménagé en hôpital militaire. Lors de la bataille de Berlin, en 1945, la caserne faisait partie des secteurs de défense G et H de Berlin Nord.

Les troupes soviétiques prennent le contrôle de la caserne les 24/25 avril 1945. Après les combats. A l'arrivée des forces françaises d'occupation, le 12 août 1945, le service du génie fit reconstruire les bâtiments endommagés. La caserne prit alors le nom de Quartier Napoléon, en souvenir de l'entrée de l'empereur à Berlin, suite à la victoire d'Iéna le 27 octobre 1806.

Depuis le départ des FFA (Forces Françaises en Allemagne) en 1994, la Bundeswehr a investi le Quartier Napoléon, qui fut débaptisé en Julius Leber Kaserne.

Le camp Foch

Situé en bordure de la Cyclopstrasse à Wittenau, l'académie militaire de la Luftwaffe fut aménagée en 1940 sur décision du ministre de l'air Goering, en vue d'accueillir un centre de formation des médecins de la Luftwaffe. Les baraquements en bois remontent aux premières installations. En mai 1945, des unités de l'armée rouge prirent possession des locaux, qui furent occupés par la suite par l'armée britannique, enfin par un groupement de chasseurs d'Afrique et de zouaves arrivés à Berlin le 3 juillet 1945. Au début de l'occupation, le « Camp des Cyclopes » fut alors baptisé Quartier Foch, pour devenir ensuite Camp Foch à l'arrivée du détachement de Gendarmerie de Berlin en juin 1946. La cité, comprenant les logements, les économats, une chapelle, et un cinéma, fut aménagée à partir de 1952.

La gare française de Tegel : Buddestrasse

Inaugurée le 6 décembre 1947 en présence du général Ganeval, gouverneur militaire français de Berlin, la gare française de Tegel se compose d'un bâtiment aux boiseries de charpente apparente, bordant un quai de cinq cents mètres.

Découverte et souvenirs

Je dois préciser que lors de mes trois jours effectués au Château de Vincennes dans le Val de Marne, j'étais demandeur pour effectuer mon service militaire à Berlin. J'étais sûr d'y aller, l'armée étant trop contente d'avoir un volontaire pour cette destination.

Pourquoi cette demande ? J'avais un copain qui avait fait son année de service militaire à Berlin et il ne s'en était pas plein. Il l'avait fait dans la section "groupement de services". Ce groupement comportait tout un tas de bureaux qui veillaient au bon fonctionnement du quartier Napoléon.

De plus, dans ma tête, faire l'armée à côté de son domicile n'avait aucun intérêt. Il fallait donc faire ou voir une chose qui n'arriverait qu'une seule fois dans sa vie. Je dois dire que sur ce point, je n'ai pas été déçu et je ne le regrette pas.

Attestation d'aptitude à effectuer mon service militaire

Mon arrivée au Quartier Napoléon

Tout a commencé un début d'avril 1977. Je prenais le train à la gare de l'Est pour me rendre à Strasbourg, premier vrai départ hors du cocon familial pour une durée d'un an. Une fois arrivé à destination et après mettre fait enregistré auprès des autorités militaires, je fus dirigé vers un quartier de la gare plus particulièrement dédié à l'armée française. Là, je pris un encas en attendant de monter dans le TMFB (Train Militaire Français de Berlin). Ce train n'était équipé que de voitures couchettes car il ne roulait que de nuit.

Le TMFB s'ébranla vers 20h00, direction la gare de Berlin-Tegel située dans le secteur français. Pour moi, c'était la première fois que j'allais aussi loin et pour aussi longtemps... Le train militaire français de Berlin circulait normalement en Allemagne de l'Ouest comme tous trains de voyageurs.

Le problème commençait dès que l'on arrivait en Allemagne de l'Est. Le train n'était plus considéré comme un train normal de voyageurs. Du coup, beaucoup d'attente sur des voies d'évitements et une vitesse réduite. Il n'était même pas prioritaire par rapport aux trains de marchandises. Vu le contexte politique de l'époque, c'était si je puis dire "de bonne guerre". J'arrivais le lendemain vers 7h00 dans la gare de Berlin-Tegel après une nuit qui m'a semblé longue.

Des autocars, et non pas des camions, nous attendaient pour nous emmener au Quartier Napoléon (voir plan chapitre " Le quartier Napoléon "), future résidence de mon contingent 77/4. Pourquoi des cars ? Je pense que les forces alliées d'occupation avaient un certain prestige à maintenir envers les Berlinois de l'Ouest. Après environ 30 mn de circulation en ville, je découvrais l'entrée principale de la caserne.

Entrée principale du Quartier Napoléon en 1953

Au fur et à mesure que je pénétrais dans ce lieu, j'avais l'impression d'être dans la quatrième dimension. Il y avait de petits et grands bâtiments, de larges esplanades, des routes avec des trottoirs, des panneaux indicateurs de direction et de signalisation comme dans une ville ordinaire. Je me rendis compte plus tard que c'était une ville dans la ville. Cerise sur le gâteau, le tout était noyé dans un océan de verdure.

Je ne sais pourquoi, mais ces premières images me donnèrent l'impression d'une grande colonie de vacances pour adultes et que j'aurai un service militaire différent.

C'est paradoxal, mais j'étais « presque heureux » d'être là. L'avenir m'apporta raison. Voici quelques photos (ci-dessous) qui démontrent mes dires lorsque j'ai découvert le Quartier Napoléon pour la première fois.

Vous n'avez pas rêvé. Les photos que vous venez de voir sont bien celles d'une caserne. Rien à voir avec les casernes françaises qui ressemblent plus à des baraquements alignés au carré. Ici, ce lieu représentait la France et devait donc avoir une certaine prestance car des civils allemands y travaillaient. Dans la suite de ce récit vous verrez d'autres vues du Quartier, toutes aussi surprenantes.

Les classes

Je fus déposé près d'un bâtiment ou je pris mon premier petit déjeuner de militaire. Je découvrais les rations. Comme liquide j'avais droit soit au café noir, café au lait ou chocolat, le petit pain standard, la plaquette de beurre et le petit pot de confiture. Ce bâtiment sera ma cantine pour l'année.

Les cantines des deux régiments

Après cette entrée en matière, je fus appelé par un aspirant qui avait la responsabilité de nous former, mes compagnons et moi, pendant nos classes qui durèrent un mois. D'abord, j'allais dans le bâtiment ou je passerai les premiers mois de ma vie de militaire. Chose curieuse, ces casernements réservés pour les classes étaient tous de pleins pieds. On m'affecta à une chambrée et à un lit. Je rangeais mon linge civil dans l'armoire qui m'était affectée.

A partir de ce moment, ce fut le parcours du combattant : le coiffeur (qui n'en portait que le nom), le fourrier pour toucher son paquetage (treillis de travail et de satin, rangers, survêtement, baskets, chemises, pantalons, ceinture, ceinturon...), l'armurier pour avoir son arme en dotation et j'en oublie certainement d'autres. De retour en chambrée, j'ai appris à ranger mon armoire, à faire mon lit au carré et a effectuer les corvées. Il y eu aussi toutes les consignes à mémoriser. Parmi ces consignes, deux étaient très importantes.

La première concernait les permissions. Je n'avais droit sur l'année qu'à six permissions : trois de soixante-douze heures et trois de treize jours. C'était à moi de les gérer de façon à ne pas tout dépenser rapidement. Je décidais de prendre la première début août. Ainsi il m'en resterait cinq pour une durée de sept mois.

La deuxième consigne importante concernait nos déplacements en civil dans Berlin. Hormis que je devais avoir une tenue et un dialogue correct vis à vis des Berlinois de l'Ouest, Il y avait certaines lignes de métro aériennes et souterraines qui avaient des stations situées à l'Est. Je devais donc les éviter. Forcément, j'ai transgressé une fois cette interdiction car pour aller dans le centre ville j'avais moins de trajet. Sur les quais de ces stations circulaient des Vopos avec le PM à la main. Ils regardaient tout, y compris les voyageurs dans les rames qui marquaient l'arrêt. Si je me faisais prendre par eux, il n'y avait qu'une seule personne qui pouvait venir me récupérer. C'était le général qui commandait les Forces Françaises de Berlin-Ouest. Autant dire qu'il valait mieux signer un engagement au vu de la durée d'emprisonnement probable.


Les classes commencèrent par apprendre à marcher au pas. Cela ne me posa pas de problème, car étant plus jeune. j'avais fait partie d'une fanfare municipale comme clairon. J'avais aussi appris à faire ce petit saut lorsque je n'étais plus au pas. L'aspirant remarqua tout de suite que marcher au pas ne me posait aucun problème. Il décida que je serais l'homme de base pour tous les entraînements. L'avantage était que c'était aux autres à s'aligner sur moi.

J'ai appris à démonter, nettoyer, remonter mon arme et viser juste. Je n'ai pas vu une seule fois sur un an, quelqu'un nettoyé son arme impeccablement du premier coup. Le gradé responsable du nettoyage trouvait toujours quelque chose qui clochait, vrai ou pas vrai. Mon arme de dotation a d'abord été un M.A.S 36 puis j'ai eu droit au PM quand j'ai été nommé caporal. J'ai aussi appris à tirer à la 12/7. Lorsque nous allions au stand de tir, c'était en camion. Il était situé en forêt en dehors du Quartier. Une fois que nous tirions au PM, une arme s 'enraya. La consigne, dans ce cas, était de toujours viser la cible, lever le bras gauche et crier incident. Le responsable de tir venait alors voir de quoi il retournait. Un jour, une personne a subi cet incident. Elle a bien levé le bras, mais elle s'est retournée en attendant l'intervention du chef de tir. Ce dernier est entré dans une colère qui s'est terminée par un coup de ranger's dans le postérieur du coupable. Je pense qu'il a dû s'en souvenir longtemps.

J'ai aussi fait les corvées (chambrée, sanitaires), du sport et certainement d'autres choses. Une chose dont moi je suis fier, mais qu'un vrai militaire dans l'âme peut ne pas admettre, c'est d'avoir passer un an sous les drapeaux sans jamais faire le parcours du combattant.

N'ayant pas de souvenirs traumatisants de mes classes, je pourrais dire qu'elles se sont bien passées. Le seul souvenir vraiment marquant était les deux expressions qu'employait l'aspirant pour nous montrer ce qu'il fallait faire ou voir. C'était " Vu le Pb " (abréviation de problème) et " Vu l'arbre en boule ".

J'allais oublier de mentionner la fameuse piqure qui vous rend d'abord malade avant d'être immunisé du sol au plafond comme le dit la publicité. Malgré que l'on ne devait pas manger à part leur bouillon, j'avoue que j'avais fait des réserves dans ce but. Personnellement, je l'ai très bien supporté et je n'ai eu aucun effet secondaire. Après un mois de classe, je découvrais ma future affectation.